Jean qui rit et Jean qui pleure
Juillet c'est le mois "de la relève", le mois où l'on passe beaucoup, beaucoup de temps à l'aéroport (et c'est là qu'on est contents que l'île soit petite et que l'aéroport en question ne soit pas à 30km!). Tout simplement parce que l'expérience de l'expatriation est unique, que si loin de nos familles et dans un endroit si petit où l'on se croise à tout bout de champ, les liens qui se crééent ici sont particulièrement forts.
Juillet c'est le mois où les anciens rentrent en métropole. Ce sont eux qui nous ont accueillis, qui nous ont guidés dans les premiers temps et refilés leurs bons plans. Les vacances de juillet on les fait en fonction d'eux, de leurs pots de départ, de leurs enfants à récupérer le jour où les déménageurs sont là où des corvées de grand ménage, de la dernière plage ou de la dernière roulotte, du jour de leur vol. Ces départs se veulent des au-revoir mais ils ne serrent pas moins le coeur. Dans le terminal on s'isole par petits groupes autour des partants, on leur passe des colliers de coquillages autour du cou, on console tant bien que mal les enfants, on promet de se revoir, de s'écrire, on se remémore quelques anecdoctes, on écrase quelques larmes plus ou moins discrètement, on sourit crânement. Un dernier geste de la main en passant le guichet de la douane et....."nana" les amis!
Juillet c'est le mois où les "api" (= les nouveaux) arrivent. Rien de plus glauque que de traverser la moitié du globe et d'avoir l'impression de ne pas être attendu alors pour un voisin, un collègue de travail, un copain de promo, un ami d'ami dont on a été prévenu de l'arrivée, on est là. On se retrouve autour de la porte des arrivées. Chacun s'est muni de colliers de fleurs, on se presse, on s'interroge: "Vous êtes venus pour qui? Qui les connaît? Quelqu'un sait quelles têtes ils ont? Machin devait venir aussi, tu l'as vu?". Ca plaisante, l'ambiance est légère, ça sent la tiare et les retrouvailles. On se tord le cou pour regarder qui sort au compte-goutte de la douane. On guette quand même avec curiosité et une pointe d'appréhension les nouveaux visages. Parmi ceux-là, fatigués par les 22h de vol, hébétés par la foule qui se presse pour leur passer des colliers de fleurs, écrasés par la touffeur tropicale: avec lesquels va-t-on nouer des amitiés aussi belles qu'avec ceux qui viennent de repartir? Parfois on se dit que s'ils sont tatillons c'est peut-être mal parti, par exemple quand les Petites Crevettes, tirées du lit pour accueillir une nouvelle famille, vous tirent par le bras "Ca y est Maman, on a donné tous nos colliers, on peut retourner se coucher maintenant, hein, dis?""Vous avez donné tous vos colliers de fleurs? Mais ils ne sont pas encore sortis! A qui vous les avez donnés vos colliers?" "Ben à la dame, là" "Ah! Mais, heu....la dame on la connaît pas!""Mais elle vient d'arriver!" "Oui, vus tous les colliers qu'elle a c'est sûr c'est une arrivante. Sauf que c'était pas pour elle qu'on était venus ce soir" Evidemment c'est trop tard pour aller en racheter et ça serait délicat d'aller les récupérer auprès de la dame alors ben....on fait sans et tant pis!
Juillet c'est ça "Jean qui rit et Jean qui pleure", parfois plusieurs fois par jour.....