Mets de l'huile!
Maintenant que vous savez tout de la noix de coco et du coprah la Crevette peut vous parler de la visite qu'elle a faite la semaine dernière: l’Huilerie de Tahiti (qui normalement ne se visite pas), fondée en 1967 (les machines sont d’époque) et qui traite chaque année 12000 tonnes de coprah, 24h/24, 6j/7.
Le coprah (pulpe de coco séchée) arrive des îles dans de gros sacs de jute de 25kg. On le sépare selon qu’il provienne des îles hautes (montagneuses) ou des îles basses (atolls) car l’acidité n’est pas la même et seule l’huile issue du coprah des îles basses, plus douce, servira à faire du monoï (une sorte de label AOC) Chaque jour ce sont 75 tonnes de coprah qui deviennent 35000 litres d’huile brute (c’est-à-dire non raffinée).
Les sacs sont vidés sur une immense vis sans fin qui achemine le coprah vers un trieur chargé d’éliminer les petits déchets comme les morceaux de filets de pêche ou même les cailloux ou les bouts de métaux, etc ( le prix du sac, fixé par le gouvernement, est de 120 CFP (environ 1E) alors forcément il y a parfois un peu de « triche ». Le travail du coprah est de moins en moins bien rémunéré, du coup même si les noix de cocos sont toujours là l’Huilerie a noté en 2010 une baisse de 35% de ses livraisons en coprah !) puis dans différents broyeurs.
Le coprah réduit en poudre est alors chauffé à 120° puis pressé verticalement et horizontalement pour obtenir la précieuse huile qui est ensuite filtrée.
Le résidu est loin d’être jeté ! Rien ne se perd ! Les acides gras sont vendus à l’export pour faire des cosmétiques et le tourteau (sorte de tourbe mais sèche) sert à nourrir les animaux. Même la poussière de tourteau est récupérée et, plutôt que d’être mise à la poubelle, elle est offerte gracieusement pour servir de litière aux chevaux ! Dans ce même souci éthique et écologique les chaudières et le groupe électrogène de l’usine vont être très bientôt transformés pour fonctionner….à l’huile de coco (même si c’est plus cher que le gasoil) !
L’huile, quant à elle, est mise dans un des deux sillos selon sa provenance (îles hautes/îles basses). et tous les 15 jours ce sont 300 tonnes d’huile qui partent vers l’Europe par bateau, pour servir à la fabrication de cosmétiques. Seule 5% de l’huile la plus douce est raffinée sur place c’est-à-dire qu’elle est filtrée, décolorée (avec des terres de filtrages comme l’argile) et désodorisée ) avant d'être vendue aux différentes savonneries de l’île pour être parfumée (coco, vanille, tiare etc..), conditionnée et commercialisée sous forme de monoï
L’huilerie de Tahiti est une des rares vitrines commerciales de la Polynésie. Pourtant son existence reste précaire : le nouveau gouvernement ne semble pas y tenir spécialement or il détient 99% des parts (contre 51% il y a encore quelques années). Si l’huilerie compte 29 employés il ne faut pas oublier pour autant les mandataires qui, dans chaque île, supervisent le transport des sacs par les goélettes et encore moins tous les petits producteurs de coprah pour qui, sur les atolls où le travail est rare, c’est une ressource qui permet d’améliorer l’ordinaire même si l’ouvrage est rude! Ce sont donc bien plus de 29 emplois qui sont en jeu ! (ouais, j’aime bien faire ma coco(muniste) de temps en temps !)